Olivia Le Jeune & Jean-Roch Houllier
26 août 2024
Nous l’avions vu, reconnaissance et formalisation de la conduite du changement sont essentielles à la réussite d’un projet[1] : la conduite du changement peut se révéler être un chantier prioritaire du projet, décisif pour l’atteinte de ses objectifs, essentiel pour contribuer à limiter les risques et plus généralement pour assurer l’appropriation du changement auprès de tous dans la durée, utilisateurs finaux inclus ! Pour cela et plus encore, il faut pouvoir « incarner » et piloter le changement auprès de toutes les parties prenantes impliquées, de prêt ou de loin. Quelques réflexions additionnelles liées à notre pratique de la conduite du changement dans les projets.
Emergence d’un pilote : le changement à bord du projet
Le manager de projet, à défaut de gérer le changement comme un simple « à-côté », se doit d’identifier et de nommer un pilote de la conduite du changement qui pourra être l’expert du dispositif d’accompagnement à mettre en place[2]. La légitimité et le positionnement de cette ressource clé devra être appuyée par ses retours d’expériences sur divers projets, la méthodologie apportée au futur projet, l’appui du directeur de programme et du sponsor (essentiel). Lors de son arrivée au sein du projet, sa première mission relève de l’acculturation de la conduite du changement auprès de toutes les parties prenantes, les équipes projet, les métiers, le ou les sponsors, les relais et managers stratégiques, le département IT, etc. Cette acculturation, fonction de la maturité des équipes sur le sujet, peut relever de la sensibilisation, de la formation, des retours de bonnes pratiques sur des sujets similaires, également du témoignage.
Pour cadrer et déployer le dispositif d’accompagnement, le pilote de la conduite du changement peut fonctionner en binôme avec un « relais opérationnel » ou « expert terrain » qui dispose des connaissances, des expertises des produits, de l’organisation ou tout autre composante contextuelle associée au projet. Dans le cadre du projet, il peut avoir sous sa responsabilité une équipe de collaborateurs en charge de la réalisation des différents livrables du changement, et manager fonctionnellement une équipe constituée de plusieurs « relais » experts de différentes activités déployées par le programme. Au sein de l’organisation, il peut également mettre en place des communautés de bonnes pratiques (par exemple via le réseau social d’entreprise), des temps de paroles, des forums ce qui permettra de libérer la parole dans certains cas (cas des parties prenantes dans le déni ou la résistance), faciliter les échanges entre pairs, échanger les pratiques et de fait développer l’adhésion au chantier, à augmenter sa légitimité et réussir le projet. L’acculturation ne s’acquiert pas en un jour, celle-ci peut prendre plusieurs mois (entre quatre et huit mois selon la maturité des équipes. Le pilote de la conduite du changement devra faire preuve de patience, de ténacité et finalement ne rien lâcher ! Une fois le projet terminé, il veillera à capitaliser, à « faire savoir » et « faire connaitre » le dispositif du changement afin de distiller au maximum dans l’entreprise les leçons apprises, les bonnes pratiques.
Panel de compétences afférentes au changement : les clés de la réussite
Le pilote du changement possède en premier lieu des compétences de leadership, gardien d’une vision stratégique, qui contre vents et marées, donne le cap et incarne la prise de recul. Ses capacités d’inspiration et de motivation, doublées d’un réel sens de la communication et d’une bonne gestion des conflits lui permettent de déployer le changement auprès des parties prenantes.
Afin d’installer sa crédibilité, en termes de posture et d’attitude face aux résistances et aux parties prenantes, il développera une posture appropriée alliant empathie (comprendre les préoccupations des équipes face au changement, accueillir et reconnaitre les émotions et l’impact du changement sur le quotidien des collaborateurs), flexibilité (s’adapter et ajuster sa stratégie au fur et à mesure, tout en maintenant le cap vers les objectifs fixés), capacité à fédérer (créer un esprit d’équipe autour du projet de changement en favorisant l’engagement de tous, et en s’assurant que chaque membre se sente valorisé dans le processus.) et proactivité (anticiper les défis et prendre des initiatives pour résoudre les problèmes avant qu’ils ne deviennent des obstacles majeurs.).
Enfin, ses connaissances théoriques et pratiques de la conduite du changement en matière d’outils et de méthodologies feront la différence pour accompagner efficacement le changement. Par exemple, parmi celles-ci, toutes les techniques liées à l’analyse des parties prenantes (exemple : carte des partenaires), les méthodes de gestion du changement (exemple : le modèle de John Kotter et ses huit étapes du changement) ou encore les outils de suivi et de pilotage (exemple : conception et pilotage d’indicateurs pour évaluer les progrès du changement).
Sources
[1] La conduite du changement dans les projets de transformation (iil.com).
[2] Autissier, D., & Moutot, J. M. (2023). Méthode de conduite du changement-5e éd.: Diagnostic, Accompagnement, Performance. Dunod.
Olivia est titulaire d’une maîtrise de chimie de l’Université Paris Orsay. Elle est actuellement experte en gestion du changement et directrice de projet au sein du Groupe Société Générale France. Olivia est également professeur à Skema Business School Paris (Master Project & Program), et Coach (Développement personnel). Elle a été présidente du PMI France.
Diplômé d’HEC Paris, de SUPAERO (ISAE) et de SKEMA BS, Jean-Roch Houllier est actuellement responsable des opérations, de la formation et du numérique à l’Université SAFRAN, l’université du Groupe SAFRAN. Jean-Roch est également chercheur associé au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) à Paris, dans le cadre de ses recherches sur la préhistoire, et professeur invité et directeur de thèse professionnelle.